Le malaise du salariat et du monde de la finance

Étant promis à de “grands postes” dans de “grandes entreprises”, je me retrouve en finance, un an en banque puis deux ans en conseil. Et là, il faut se rendre à l’évidence, ce monde n’est pas fait pour moi. Les personnes y sont froides et ceux qui y restent sont soit des requins soit des carriéristes.
Ce n’est pas mon monde et ce n’est pas le monde que je veux. Ce train train quotidien éprouvant et vide de sens récompensé en salaires spectaculaires. Je ne comprends pas comment une personne “normale” peut se satisfaire d’une telle vie. Je suis pourtant de nature à me contenter de peu et c’est sûrement pour cela que je ne supportais plus cette situation. Des supérieurs carriéristes, une ambiance exécrable, des savoirs acquis dénués de sens et déconnectés de toute réalité.

Hormis le train de vie confortable, le monde de la finance n’apporte rien à ses employés ou tout du moins ne m’a pas apporté grand chose. C’est justement ce surplus de confort qui endort, qui enlise dans une vie que l’on n’a pas choisie. Occupé par le rythme quotidien, préoccupé par son flot d’incertitudes, de rush, de deadlines, prisonniers d’un gros salaire dont il devient, avec le temps, difficile de se passer, on finit par passer à côté de sa vie. La vraie, pas celle qui consiste à payer son loyer, ses sorties et une semaine ou deux de vacances-express par an. Mais plutôt celle qui consiste à construire et réaliser des projets qui reposent sur des valeurs qui nous sont chères.

A tous ceux qui sont prisonniers de ce genre de situation, je vous dit : changez-la !

Un mal de notre société, où tout est codifié, réglementé, mis dans des cases, est le manque de satisfaction des salariés après avoir accompli une tâche. Ou d’une manière plus générale, à la fin de la journée. Selon moi, cela est dû à un manque de suite dans les idées de l’exécutant imposé par une segmentarisation des process, un cloisonnement des systèmes de prise de décision. Personne n’est vraiment responsable. Ce qui protège en cas d’échec mais n’apporte que peu de fierté personnelle en cas de réussite. Or, on le sait, nous apprenons tout aussi bien de nos échecs que de nos réussites. Il vaut mieux être sûr d’apprendre d’abord avec de gros foirages, tant la route vers l’accomplissement de soi est sinueuse.

Quittez ce bullshit job tant qu’il est encore temps, quittez-le tant qu’il ne vous a pas changé, re-formaté, quittez-le tant que vous n’avez pas vraiment besoin de lui. Surtout pour les plus jeunes. A 25 ans, quelle différence entre se faire 1000-2000 euros ou 5000-6000 euros par mois ? Vous mangerez tout aussi bien, vous pourrez sortir, faire la fête, voyager, sans trop d’excès, OK.

Quittez une position foireuse tant que vous n’êtes pas pieds et poings liés par un crédit immobilier, ou un autre engagement pris en projetant son salaire ridicule sur les 10 prochaines années. Si votre rêve depuis la tendre enfance est d’être propriétaire d’un 20 mètres carrés dans une capitale, dans ce cas, c’est bien, continuez, vous êtes sur la bonne voie. Mais sinon prenez le large, même avec peu d’argent de côté et mettez toute votre créativité à construire quelque chose de plus beau, de plus personnel et dont vous serez fier de parler autour de vous.

Prenez des risques et vivez en étant fier de votre quotidien. Quitte à galérer. Ne pas savoir comment on va bien pouvoir payer son loyer à la fin du mois procure une montée d’adrénaline beaucoup plus forte que n’importe quelle drogue que peut ingurgiter un tradeur en soirée. Je vous l’assure, faire quelque chose de ses mains, avec l’aide de son cerveau, sans être soumis à la décision d’un N+1+2+3… Vendre cette création, envoyer la facture, recevoir direct en cash ou en service retour le fruit de son travail… cela procure un sacré sursaut positif dans son amour propre.

Ce grand saut fut pour moi le déclic, le changement de paradigme pour passer d’une vie ordinaire avec un gros salaire à une vie extra-ordinaire même si certains pourraient la qualifier de précaire. Je prends souvent l’exemple de la voiture pour illustrer le fait qu’avant je roulais dans la vie avec une boite automatique et que maintenant je suis en mode manuel, je ressens le moindre petit aspect sur la route et j’ai repris goût à la conduite.

Adrien L

 

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