Autrices : Sofia B, Brunhild, Claudine
Relecteurs : Nicolas B, Laura G
Cet article fait partie de l’analyse de la grande enquête proposée par le projet Livre d’Ingénieur·es Engagé·es durant l’été 2020.
L’engagement : voilà bien un mot désormais sur toutes les lèvres, et dans le titre même d’Ingénieur-es-Engagé-es. Quoique le mot soit utilisé par tous et dans tous les média comme si son sens était évident, on peut s’attendre à ce qu’il n’ait pas la même signification selon les personnes et le contexte. Qu’entend-on donc aujourd’hui par « engagement », “s’engager » ? Dans quelle mesure peut-on dire qu’une personne est « engagée » ? Pour répondre à ses questions, nous nous appuierons en grande partie sur les résultats du sondage Ingénieurs & Engagement, notamment sur les réponses aux questions : “Que signifie « être engagé » pour vous ?” et “Pouvez-vous citer quelques actions que vous avez faites dans le cadre de votre engagement ?”
De façon à interpréter l’ensemble des réponses ouvertes de manière plus aisée, nous avons défini des catégories qui nous semblaient les plus représentatives de l’ensemble des réponses. Nous reportons ci-dessous quelques citations de réponses de manière anonyme avec quelques éléments de contexte. Par ailleurs, précisons que, si le texte s’appuie sur l’analyse de ces réponses, son interprétation et son développement sont nécessairement soumis à subjectivité.
Profil des répondants du sondage
Avant toute chose, il est important de noter que les répondants à ce sondage sont loin de constituer un échantillon représentatif de la population française. Parmi les répondants ayant complété le sondage (268 réponses en tout), 83% suivent ou ont suivi une formation d’ingénieurs, 72% sont ingénieurs ou l’ont été par le passé. Il s’agit en majorité de personnes de moins de 35 ans (87%). Enfin, 77% des répondants se considèrent engagé-es selon leur propre définition. En grossissant le trait, on peut définir un profil-type du répondant comme étant un-e jeune ingénieur-e touché-e par les questions d’engagement – ce qui n’est pas étonnant au regard du sujet du questionnaire. Il est toutefois important de garder ce profil en tête : le répondant pose un regard personnel sur les questions posées, et on ne saurait en conclure l’avis de l’ensemble de la population.
L’origine du terme « engagement » et ses différentes significations [1]
Ce mot très ancien a originellement pour sens « mettre en gage » ou « lier par un contrat ». Dans ses utilisations les plus courantes on retrouve le fait de « s’engager » dans l’armée, ou encore l’engagement au sens de « promesse de mariage ». Dans le même esprit, « engager » quelqu’un consiste à se lier à lui par contrat d’embauche.
De manière plus dérivée, « s’engager » peut prendre le sens d’entrée dans un passage étroit. Dans le domaine militaire à nouveau ou encore en sport, l' »engagement » correspond au lancement d’une charge ou à un envoi.
Enfin, au sens existentialiste, le plus proche de celui qui nous intéresse aujourd’hui, l’engagement de soi est un acte par lequel l’individu assume les valeurs qu’il a choisies et donne, grâce à ce libre choix, un sens à son existence[2].
Quels sont les points communs de tous ces sens ?
Tout d’abord, on retrouve très souvent, même dans les sens les plus éloignés tels que l’engagement dans un passage étroit, la notion de « démarrage », un changement d’état, le début d’un nouvel état. Lorsque l’on s’engage, que cela soit dans l’armée, à se marier, à effectuer un emploi… quelque chose de notre identité ou de notre vie change : on devient soldat, ou personne mariée, ou travailleur, etc. De la même façon l’engagement au sens de charge ou d’envoi en sport marque le début d’un évènement.
D’autre part, dans l’engagement on retrouve la notion de « serment » (le « gage »). D’une certaine façon, il n’y a pas de retour arrière possible lorsque l’on s’engage. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le verbe transitif « engager » prend souvent sa forme pronominale « s’engager » : c’est soi-même que l’on met en gage, et que l’on compromet si le contrat ou la promesse est rompue. C’est un don de sa personne entière, un sens très fort que l’on retrouve dans l’engagement militaire ou l’embauche : on se met entièrement à la disposition de la personne ou de l’entité auprès de qui l’on s’engage, soi, son temps, ses compétences… voire sa vie, dans le cas militaire. C’est aussi le sens que l’on retrouve dans l’utilisation actuelle du mot : désormais on s’engage pour une cause, pour ses valeurs, mais la notion de don de soi est toujours très présente.
L’engagement, vu par les répondants au sondage
Les réponses à la question “Que signifie “être engagé” pour vous ?” sont très variées, mais on retrouve dans nombre d’entre elles des points récurrents. Tout d’abord, pour la plupart des répondants, l’engagement est une affaire d’individu, un choix personnel, mais qui a pour visée la réponse aux enjeux majeurs de notre société.
“Que nos actes soient en accords avec nos convictions, agir concrètement de manière à avoir une influence positive sur les enjeux qui nous tiennent à coeur”
(rép.226 – Ne se considère pas engagé·e)
Quels sont ces enjeux ? Qu’est-ce que le bien commun ? Les réponses à ces questions dépendent des convictions et des valeurs de la personne engagée.
Un engagement majoritairement lié aux enjeux environnementaux
Afin de permettre aux participant·e·s d’exprimer leur conception des enjeux contemporains, le questionnaire incluait deux questions. La première, “Quels sont pour vous les principaux enjeux auxquels doit faire face la société ?”, référencée par la suite comme la question (4.A.), était située en début de partie sur le thème de l’engagement et invitait à une réponse libre.
La seconde, référencée (4.Q.), était située en fin de partie et proposait une évaluation quantitative : “Parmi les enjeux en lien avec les thématiques suivantes, comment qualifieriez-vous :
- votre niveau d’implication pour répondre à ces enjeux (sur votre périmètre d’action) ? Pas impliqué [0] → Très impliqué [3]
- l’importance de ces enjeux, dans le monde actuel (hors zone géographique ciblée) ? Pas important [0] → Très important [4]”
Nous vous proposons une restitution synthétique des réponses à ces questions sur la Figure 1. Afin d’obtenir une visualisation quantitative des thèmes évoqués dans les réponses libres, chaque réponse à la question (4.A.) a été reliée à une ou plusieurs thématiques de la question (4.Q.). Par souci de synthèse, cette restitution ne rend pas compte des thématiques supplémentaires que nous avons dégagées des réponses libres (changement de paradigme, démographie, etc.).
Si aucune des thématiques ne semblent écartée comme “Pas importante”, les enjeux environnementaux apparaissent comme ceux préoccupant et mobilisant le plus les participant·e·s :
- Le dérèglement climatique est l’enjeux le plus cité et qui obtient les plus hautes notes moyennes d’importance et d’implication ;
- La biodiversité et la pollution sont deux thématiques revenant régulièrement dans les réponses et dont l’importance perçue est élevée.
En lien avec les sujets environnementaux, la raréfaction de l’énergie, moins citée et jugée légèrement moins importante, mobilise tout de même les participant·e·s. A l’inverse, la répartition et l’accès aux ressources seraient importants mais moins mobilisateurs.
La question des inégalités de droit et de la justice sociale est évoquée par plus de la moitié des participants mais ils ne se sentent que peu impliqués à ce sujet.
Formes et cadres de l’engagement
Comme expliqué dans l’introduction, nous avons tenté de catégoriser les différentes formes et vision de l’engagement données par les répondants. Pour cela nous avons effectué une première lecture intégrale des réponses, nous avons ensuite listé les différentes grandes catégories semblant s’en dégager enfin nous avons classé chaque réponse dans une ou plusieurs des catégories listée ci-dessous :
- s’éduquer, s’informer, s’interroger au sujet des enjeux de notre société ;
- à son tour informer et éduquer, faire réfléchir son entourage, tenter de le convaincre et de l’entraîner avec soi ;
- agir en accord avec ses convictions (cette « action » peut prendre beaucoup de formes, nous y reviendrons) ;
- renoncer à quelque chose pour rester en accord avec ses convictions et ses valeurs :
- faire des dons, participer à des crowdfounding ;
- lutter, se battre pour ses convictions
Pour un grand nombre de répondants (près des deux tiers), la notion d’action est très importante : quelqu’un qui se contenterait de réfléchir aux enjeux mais n’agissant pas n’est pas considéré comme une personne « engagée ». La notion de s’informer et de s’éduquer est moins souvent mentionnée (environ un cinquième des réponses). On pourrait donc estimer que l’action en soi est l’élément primordial de l’engagement, mais certains répondants soulignent que s’éduquer et agir vont de pair : pour répondre aux enjeux, il serait nécessaire de mûrement peser quels sont-ils, comment y répondre, etc. Il faudrait s’éduquer sans cesse et être prêt à remettre ses convictions en cause lors de la rencontre d’éléments nouveaux, comme pour appliquer un raisonnement scientifique. De la même façon, entraîner son entourage est important (se retrouve dans près d’un tiers des réponses), car on a bien plus d’impact à plusieurs que seul-e sur les enjeux qui nous concernent tous.
Plus rarement, on retrouve l’idée de faire des dons financiers ou de participer à des campagnes de crowdfunding. En général, « être engagé » signifie davantage pour les répondants « s’engager soi-même » qu’engager des biens matériels tels que l’argent.
“Désapprouver un système en place est un signe, mais s’engager à proprement parler souligne l’action, que ce soit de la simple sensibilisation bienveillante auprès de son entourage jusqu’à des actions plus fortes et radicales.”
(Rép.361 – se considère engagé·e depuis 3 à 5 ans)
De nombreuses formes d’engagement sont mentionnées par les répondants. La question ouverte (4.L) : “Pouvez-vous citer quelques actions que vous avez faites dans le cadre de votre engagement ? (5 maximum)”, permet d’avoir une meilleure idée des formes que peuvent prendre l’engagement chez les personnes se considérant comme telles (222 répondants). Pour traiter cette question nous avons procédé de la même façon que pour la question précédente, en créant différentes catégories de réponse et nous avons ensuite classé chaque réponse dans une ou plusieurs catégories.
Celles-ci étant :
- Quitter son emploi ;
- Avoir un emploi en accord avec son engagement ;
- “Activité militante” dans le cadre de la vie professionnelle ;
- Suivre une formation en accord avec ses convictions ;
- Faire de la sensibilisation ;
- Changer son mode de vie, actions individuelles (tri sélectif, zéro déchet, moyen de transport « doux »…) ;
- Participer à des projets qui cherchent à répondre aux enjeux ;
- Militer politiquement (engagement en politique, manifestation) ou désobéissance civil ;
- Faire des dons ;
- S’informer sur les enjeux, réfléchir à son impact.
La question suivante s’adresse aux répondants ne se considérant pas comme engagés ou n’étant pas sûrs de l’être (68 répondants): “Pour autant, peut-être agissez-vous déjà aujourd’hui pour répondre aux enjeux qui vous préoccupent. Si oui, pouvez-vous nous citer quelques-unes de ces actions ? (maximum 5)” (4.M). Ici aussi chaque réponse a été classée dans une ou plusieurs catégories.
Le traitement de ces questions montrent que le seuil auquel l’engagement commence est une notion personnelle. On constate effectivement que certaines actions sont effectuées aussi bien par des personnes se considérant comme engagées que par des personnes incertaines ou se considérant comme non engagées (par exemple : quitter son emploi, faire de la sensibilisation, ou changer son mode de vie).
On peut considérer par exemples ces réponses :
Se considérant engagées | Ne se considérant pas engagées |
“Intégration dans l’association ingénieur engagé de Belfort Boycott de nombreux produits (Macdonald, eau en bouteille etc) Achat local, bio si possible, ou d’occasion” (rép. 104 – se considère engagé) | “Rejoindre le groupe IE Envisager de changer de job pour répondre aux enjeux qui me préoccupe Changer mes modes de consommation et diminuer ma consommation” |
“Élimination de consommation de certains produits (produits importés, fast fashion) Réduction de la consommation de produits animalier (viande 1 à 2 fois par mois max, fromage, lait, oeuf 2 fois par semaine max) Favoriser les circuits courts Utilisation de seconde main Engagement dans des assos (restos du cœur et Greenpeace)” (rép 137 – se considère comme engagé) | “Bénévole dans une association Discussions avec d’autres étudiants Consommation responsable” |
Les réponses à ces questions ainsi qu’à la question précédente, (4.F.) “Que signifie « être engagé » pour vous ?”, montrent que l’engagement peut s’appliquer à chaque aspect de la vie d’une personne, ses études, sa vie professionnelle, ses choix de consommation, son engagement politique ou associatif, engagement financier (don à des associations), etc. Les réponses à la question “Dans quel(s) cadre(s) pratiquez-vous votre engagement ?” permettent d’aller plus loin sur les pratiques des répondants (Figure 5).
L’engagement individuel et dans le cadre du foyer sont prépondérants. Cependant, moins de 5% des participants s’engagent uniquement dans ces cadres et moins de 4% des participants s’engagent dans un cadre unique : leur expérience de l’engagement est variée et presque toutes les combinaisons de cadres d’engagement sont représentées. Ainsi, 19% des participants combinent un engagement dans le cadre privé (individuel ou dans le foyer), avec des proches (amis, famille ou voisins) et sur le lieu d’études et ou de travail. Et 19% des participants complètent cette forme d’engagement par une activité associative.
“Être engagé, c’est participer à la résolution de ces enjeux, dans son travail et dans la vie de tous les jours. La personne engagée ne doit pas faire les choses à moitié.”
(rép.540 – N’est pas sûr·e d’être engagé·e)
Si certaines réponses distinguent nettement les différentes sphères, d’autres décrivent une forme d’engagement qui implique l’ensemble du mode de vie. Agir pour ses convictions consisterait alors à ce que toutes les actions du quotidien (consommation, déchets, déplacement…) soient réalisées en cohérence avec ses convictions et ses valeurs. Pour certains, la personne engagée se doit d’être exemplaire dans tous les aspects de sa vie. Certaines définitions sont tellement exigeantes qu’il semble que l’engagement soit davantage un idéal à atteindre qu’un état : fort peu de personnes pourraient se prétendre engagées d’après ces définitions…
“D’abord mettre en accord sa vie (et son travail) avec ses principes. Se renseigner le plus possible pour savoir si son action est juste ou pas.”
(rép.2 – Se considère engagé·e depuis 1 à 2 ans)
L’engagement dans la sphère privée : engagement individuel et dans le foyer
Pour plus de 90% des répondants, l’engagement s’inscrit notamment dans la sphère privée. 56% des répondants se considérant comme engagés cite comme action un changement de mode de vie (ne plus prendre l’avion, végétarisme, consommation locale…).
“[…] Dans mon foyer j’essaye de « faire au mieux » avec le temps et les ressources dont je dispose pour limiter le gaspillage, les déchets, la consommation de viande, de poisson, d’eau, de produits hors-saisons ou lointains, d’électricité. […]”
(4.L rép 39 – Se considère engagé depuis 3 à 5 ans)
Pour les répondants ne se considérant pas comme engagés 54% disent tout de même agir dans leur quotidien pour avoir un impact positif sur les enjeux leur tenant à cœur. L’engagement dans la sphère privée semble être la première étape vers une forme d’engagement plus prononcé et collectif.
“Démarche zéro déchet Position de consommateur raisonné (adéquation besoin-matériel, récup’, récupération, recyclage) Soutien aux producteurs, commerçants, artisans locaux Boycotte alimentaire et commercial “
(4.M rép 54 – Ne se considère pas engagé)
“J’essaie dans ma vie quotidienne d’être écolo (consommer moins, ne plus manger de viande, me déplacer en mode doux). […]”
(4M rép 177 – Ne se considère pas engagé)
L’engagement dans la sphère professionnelle ou scolaire
“Travailler dans un domaine lié à ces thématiques, ou dans un contexte qui permet de s’y lier. Dans le cas contraire, éventuellement aller à contre-courant (des contraintes commerciales, souvent) et le faire quand même.”
(rép.88 – N’est pas sur·e d’être engagé·e)
La sphère professionnelle ou scolaire est un théâtre d’engagement pour plus de 70% des répondants. Certains participants ont mis en application leur conception de l’engagement en choisissant un domaine d’activité ou d’étude ou une entreprise en lien avec leurs préoccupations et valeurs et se considèrent donc engagés au travers de leur activité professionnelle. Ainsi pour 124 personnes (soit 46% des personnes qui ont terminé le sondage), la réponse aux enjeux a été un critère pour le choix du domaine de leur formation[3] et 99 se considèrent engagées via leur activité principale[4], qui permet, selon elles, d’apporter une réponse aux enjeux[5]. Les trois quarts de ces dernières ont spécifiquement choisi leur activité dans le cadre de leur démarche d’engagement[6].
“Choix d’un poste visant à réduire la précarité énergétique tout en décarbonant un secteur encore trop carbonné (le bâtiment) […]”
(4.L rép.44 – Se considère engagé·e depuis 3 à 5 ans)
D’autres se considèrent engagés car ils quittent ou refusent une position professionnelle qui va à l’encontre de leurs préoccupations.
“Je suis en reconversion professionnelle pour exercer un métier qui je crois contribue à un impact positif sur la société.”
(4.L rép. 144 – Se considère engagé·e depuis moins de 1 an)
Enfin, l’entreprise ou l’établissement d’études est aussi un lieu de rencontre où l’on peut tenter de sensibiliser son entourage ou d’instaurer des pratiques différentes.
“me battre pour la mise en place du télétravail dans mon administration (réduire trajets motorisés) […]”
(4.L rép.121 – Se considère engagé·e depuis plus de 20 ans)
« M opposer ouvertement à des pratiques nocives de ma hiérarchie en mettant en jeu ma responsabilité […] Manager des équipes malgré ma timidité parce que je pense avoir une vision du monde et des hommes à défendre et qu elle vaut le coup de se faire violence […] »
(4.L rép.236 – Se considère engagé·e depuis plus de 20 ans)
L’engagement dans le milieu associatif et politique
Le milieu associatif est probablement l’un des endroits les plus propice pour vivre pleinement son engagement. Être dans une association permet de s’investir pour le bien commun et 49,10% des répondants se considérant comme engagés font partie du milieu associatif. Il s’agit de la deuxième catégorie d’action réalisée pour répondre aux enjeux, la plus citée. Certains participent à des actions sociales (maraude, resto du coeur…), d’autres font de la désobéissance civile avec des associations telles que Extinction Rebellion ou Alternatiba. Nombreux sont également ceux qui font de la sensibilisation, de la vulgarisation scientifique ou encore de l’enseignement.
“Bénévolat dans plusieurs associations (promotion du respect de l’environnement auprès des enfants, réparation de vélos pour location, soutien scolaire en lycée) […]”
(4.L rép. 58 – Se considère engagé depuis 3 à 5 ans).
“Au sein de mon association, on a mis en place de nombreux projets comme le don du sang, des ramassages de déchets, des formations, de la sensibilisation (au DD, harcèlement etc), des création de pack Eco responsable… […]“
(4.L rép. 73 – Se considère engagé depuis 1 à 2 ans)
Pour certains répondant leur engagement passe par une action politique. A la question que signifie être engagé pour vous certains répondent :
“S’opposer à l’ordre établi s’il ne nous convient pas”
(rép. 156 – Se considère engagé depuis 1 à 2 ans)
“Cela signifie se sentir concerné par la politique au sens « d’organisation de la cité ».”
(rép 401 – Se considère engagé depuis 1 à 2 ans).
22,97% des personnes se considérant comme engagés sont soit engagés politiquement (simplement en participant à des manifestations ou bien intégrant un parti politique ou une liste électorale) ou bien participent à des actions de désobéissance civile. Pour ces répondants l’engagement passe par un changement de régime politique, de réglementations, de société.
“[…] Engagement en politique, d’abord comme militante puis comme candidate aux élections municipales”
(4.L rép. 180 – Se considère engagé depuis 6 à 10 ans)
“Participation à des actions de désobéissance civile […] Participation à des manifestations”
(4.L rép. 184 – Se considère comme engagé depuis 6 à 10 ans)
La notion de changement, voire de renoncement
Pour un grand nombre de répondants, l’engagement fait écho à la notion de changement, de transmutation évoquée dans les sens les plus variés du mot. Il s’agit d’un chemin d’apprentissage ayant les étapes suivantes :
Etre conscient des problèmes et des enjeux → les assumer → être prêt à agir → agir.
Pour beaucoup d’entre eux, le changement se retrouve dans la réflexion « faire évoluer ses idées », et également dans l’action même : il faut « changer ses habitudes », « changer la société ». On peut comprendre dans cette nécessité de changement le fait que l’état actuel des choses est nocif. On peut le comprendre ainsi : les habitudes que nous avons, avant de nous engager, ont un impact négatif. Pour être en cohérence avec ses convictions, c’est-à-dire engagé, il est donc nécessaire de modifier ces habitudes. Notons que pour de nombreux répondants, les enjeux sociétaux sont notamment les enjeux environnementaux : lorsqu’ils parlent de nécessité de changement, on peut lire une vision très centrée sur le mode de vie occidental dont le modèle économique, de consommation… dégrade l’environnement à grande vitesse.
Mais lorsque les répondants parlent de changement, voire de renoncement, il y a aussi l’idée que l’engagement est intrinsèquement lié à une certaine notion d’effort voire de sacrifice. Quelqu’un qui serait végétarien « de naissance » parce que ses parents l’auront toujours nourri sans viande ne pourrait être réellement considérée comme engagée, parce que ça n’est pas, d’une part, ses convictions personnelles qui sont responsables du fait qu’elle a cette alimentation (réputée plus écologique ou plus respectueuse que l’alimentation omnivore), mais aussi parce qu’elle n’aura pas « donné d’elle-même »: n’ayant jamais mangé de viande, continuer à ne pas en manger ne lui demande ni réflexion ni effort particulier.
“[…] Je n’ai pas prolongé mon contrat dans mon entreprise d’apprentissage par rapport à son activité (fabrication de lignes automatisées de suremballage pour l’agroalimentaire…). Renoncement à ma discipline favorite, l’automatisme et la robotique, car non compatible avec le monde que je veux voir exister.”
(4.L rép.36 – Se considère engagé·e depuis 6 à 10 ans)
Cette idée d’effort et de renoncement se lit clairement dans certains témoignages, plus subtilement dans d’autres. L’expression « assumer ses convictions » apparaît de manière récurrente. En effet, comme les convictions en question s’opposent à l’ordre établi (du moins dans la société occidentale), les afficher, les proclamer, les revendiquer est un acte de courage. Les répondants sont conscients que l’engagement peut les mettre au ban, car il s’agit intrinsèquement d’un acte de rébellion, quand bien même il s’agit du bien commun. Ainsi, l’un des répondants use de l’expression « désobéissance sociale » pour définir l’engagement. Faisant écho à la notion de désobéissance civile, la désobéissance sociale évoque un acte de révolte plus subtil : sans sortir du cadre de la légalité, elle rompt avec des règles sociales implicites en remettant en cause le modèle de vie majeur.
“Que signifie « être engagé » pour vous ?”
“Pour moi, c’est être conscient de certaines notions et d’essayer d’en faire quelque chose, en assumant cela (pas de honte à montrer son engagement)”
(rép. 104 – se considère engagé·e depuis 1 à 2 ans)
“Être capable de sacrifier une partie de « pur confort » contre du « sens ». Entre un contrat à 50k€ par mois chez un géant pétrolier et 3 smic dans une ferme, accepter le « bon » choix, ne pas être égoïste.”
(rép.543 – se considère engagé·e depuis 3 à 5 ans)
“Ça signifie qu’on est prêt à faire des sacrifices pour une cause et que cette cause entre en jeu dans nos choix (personnels et professionnels)”
(rép. 523 – se considère engagé·e depuis 1 à 2 ans)
Pour certains, l’engagement implique un renoncement également car le mode de vie occidental, considéré comme destructeur, est un mode de vie privilégié. Du moins, dans l’accessibilité des biens : dans la société de consommation où nous vivons, n’importe quel membre de la « classe moyenne » peut s’offrir un grand nombre de biens et de services dont les meilleurs marchés seront aussi bien souvent ceux ayant le plus d’impact environnemental ou social. Il faut désormais réfléchir et choisir là où l’on n’avait qu’à cueillir. C’est un effort mental supplémentaire et il nous faut résister à bien des tentations, voire renoncer à certains plaisirs, ou encore les payer plus cher ou les raréfier.
C’est aussi ce que met en lumière un répondant en définissant l’engagement comme « Avoir la possibilité et les ressources pour agir et le faire ». L’engagement ne serait pas accessible à tous et il serait, quelque part, réservé aux privilégiés, ceux qui auraient les ressources pour se permettre de payer plus cher un mode de consommation plus vertueux. Il s’agirait aussi des personnes pouvant se permettre cette charge mentale supplémentaire : quelqu’un qui connaîtrait des difficultés au quotidien pour assurer sa survie n’a non seulement pas les ressources mais pas non plus la place mentale de réfléchir à son impact sur le monde. De plus, les personnes les plus à même d’avoir un impact négatif, en termes environnementaux du moins, sont les personnes ayant le plus de moyens et un pouvoir d’achat élevé.
Conclusion
Les réponses aux questions concernant la définition de l’engagement révèlent une diversité de conception et d’exercice de l’engagement de la part des participants à l’enquête. De l’adaptation du mode de vie personnel à la sphère professionnelle en passant par le milieu associatif et le militantisme, différentes actions matérialisent l’engagement des ingénieurs et étudiants ingénieurs, principalement sur des sujets environnementaux.
Annexe : Profil des répondants
Notes et références
(1) Sources : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/engagement/29510 ; https://dictionnaire.orthodidacte.com/article/etymologie-engagement [retour au texte]
(2) https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/engagement/29510 [retour au texte]
(3) Réponses à la question “Lorsque vous avez dû choisir le domaine de spécialisation de votre formation initiale, quelles raisons ont principalement guidé votre choix ?”
[retour au texte]
(4) Rappel de la définition d’activité donnée dans le sondage : “Nous entendons par activité la (ou les) occupations dans laquelle (lesquelles) vous produisez un travail, qu’il soit rémunéré ou non. L’appréciation de ce qu’est du travail se veut large mais également subjective (étudier, être employé, travailler à son compte, être bénévole, rechercher un emploi, être au foyer pour élever un enfant, …) et exclut principalement les activités de loisir et du quotidien”
[retour au texte]
(5) Ces personnes ont répondu “Oui” aux questions suivantes : “Selon la définition que vous venez de donner, vous considérez-vous comme engagé vis-à-vis d’au moins un des enjeux qui vous préoccupent ?”, “Estimez-vous que votre activité principale participe à apporter une réponse à certains des enjeux que vous avez cité comme vous préoccupants ?”, et “Vous sentez-vous engagé par la réalisation de cette activité ?”
[retour au texte]
(6) Réponses “Oui” à la question “Est-ce la raison principale pour laquelle vous faites cette activité ?”
[retour au texte]