Qu’est ce qu’un·e ingénieur·e ?

Auteurs : Nicolas B, Laura G

Relecteurs : Brunhild, Sofia B, Claudine

Cet article fait partie de l’analyse de la grande enquête proposée par le projet Livre d’Ingénieur·es Engagé·es durant l’été 2020.

Introduction

Quiconque aura dans sa vie passé le seuil d’une école d’ingénieur·es se sera un jour vu poser cette question – et d’ailleurs, la réponse finit généralement par être insatisfaisante. Parfois décrit comme “Mot fourre-tout” celui-ci ne veut-il pour autant plus rien dire [1]?

Au delà des éléments historiques et sociologiques existants sur le rôle de l’ingénieur, qui ne seront pas développés dans cet article[2], notre enquête nous renseigne sur les visions existantes du métier parmi les personnes interrogées. Ces visions – vos visions – sont essentielles pour comprendre le rôle perçu et donc la marge de manœuvre des ingénieur·es faire vivre leur engagement au sein de la société

Méthodologie : Pour construire cet article, nous sommes partis des résultats bruts de l’enquête. Nous avons analysé vos réponses qualitatives de manière concertée, avec un petit groupe de motivé·es. Pour cette analyse, nous avons pris en compte toutes les réponses, y compris celles des réponses partielles, ce qui explique que la taille de l’échantillon de réponse peut être variable d’une question à l’autre. Nous indiquons systématiquement dans cet article le nombre de réponses concernées. Nous avons lu toutes vos réponses, et les avons rangées dans des catégories (puisqu’on aime ça, nous, les ingénieur·es, ranger les choses dans des boîtes 😉 ) que nous vous présentons dans cet article. Nous vous livrons enfin une analyse sur ces réponses. Nous utilisons pour illustrer le propos des citations de vos réponses ouvertes, citées comme des verbatims avec quelques éléments de contexte, mais de manière anonyme.

Les représentations de l’ingénieur·e

Nuage de mots

A la question “Quels mots ou expressions vous évoquent le métier d’ingénieur ?” (N = 341), les répondant·es ont dégagé les idées suivantes :

Figure 1 : Nuage de mots

Problème – Solution – Technique. Clair, limpide, voici donc ce que semble être un·e ingénieur·e. Mais quel est exactement le poids de ces différents éléments ? Serait-ce plutôt le problème, ou la solution, qui est technique – ou les deux ? A quoi l’ingénieur·e contribue-t-il·elle de par la résolution des problèmes ? Pour répondre à cela, nous avons analysé plus en détail les réponses à la question “Selon vous et en quelques mots, quel est le rôle de l’ingénieur dans la société ?” (N=339). 

Des avis polarisés

Une première observation est que certain·es ont été plutôt neutres dans le ton de leur réponses, tandis que d’autres ont clairement marqué un jugement de valeur, soit positif (améliorer, rendre meilleur, pour le bien,…), soit négatif (dégrader l’environnement, asservir l’humain, …). En croisant cette information avec le profil des répondant·es (représenté sur la figure 2), on observe que l’image est majoritairement positive dans toutes les situations. Dans une certaine mesure, on observe que la négativité et la positivité croissent avec l’ancienneté, avant de devenir plus neutre au bout d’un certain temps (notons que le nombre de réponses au-delà de 5 ans d’ancienneté diminue grandement). On pourrait donc penser que la pratique du métier d’ingénieur tend à polariser les avis : soit l’on devient critique vis-à-vis de son propre rôle, soit l’on est plutôt convaincu·es des retombées positives de son activité.

Figure 2 : Ancienneté du métier et avis sur l’ingénieur·e

Un rôle important

Figure 3 : L’ingénieur·e a-t-il·elle un pouvoir d’action sur les enjeux de société ?

Nous avions également posé la question “Pensez-vous que les ingénieurs font partie des personnes ayant le plus de pouvoir d’action pour répondre à ces enjeux ?” (N=272) par rapport aux enjeux que les personnes avaient ciblé comme préoccupants. Une grande majorité des réponses ont été positives (“Plutôt oui”, ou “Oui, tout à fait”). Il est très intéressant de remarquer que les personnes ayant un avis polarisé sur l’ingénieur·e (soit positif, soit négatif) considèrent également qu’il·elle a un pouvoir déterminant. On peut traduire dans ces résultats la marque d’une exigence forte sur l’action des ingénieur·es vis-à-vis des enjeux de société.

Les composantes de l’ingénieur·e

Cette section vise à détailler les différents éléments que nous avons identifiés dans vos réponses à la question “Selon vous et en quelques mots, quel est le rôle de l’ingénieur dans la société ?” (N=339). Celles-ci mettent clairement en avant trois dimensions du métier d’ingénieur·e : (1) celle de l’être, c’est-à-dire leurs qualités au sens large, (2) celle de l’action, et (3) celle qui relève des conséquences de ces actions qu’elles soient volontaires ou non. Nous vous proposons donc de séparer l’analyse dans ces trois dimensions. Par ailleurs certaines réponses citent des caractéristiques qui leur semblent idéales en opposition à des caractéristiques actuelles. D’autre part, certaines actions ou conséquences sont parfois citées avec une connotation explicitement négative. Nous avons pris cela en compte dans l’analyse des réponses et vous proposons de conserver ce niveau de détail dans les résultats suivants.

1. Qualités

Nous distinguons quatre grandes catégories de qualités qui se dégagent : (1) l’expertise technique ; (2) l’esprit critique ; (3) le “leadership” et (4) l’éthique.

Figure 4 : Nombre de réponses faisant références à des qualités, en réponse à la question “Selon vous et en quelques mots, quel est le rôle de l’ingénieur dans la société ?”

L’expertise technique renvoie aux compétences acquises pendant la formation. L’ingénieur·e dispose, pour de nombreux·ses répondant·es, de connaissances scientifiques et techniques qui leur donnent un potentiel de compréhension important.

“L’ingénieur a les clés techniques et scientifiques pour comprendre et apporter des solutions à des problèmes complexes, multifactoriels, ayant de multiples contraintes.” (rep. 272 – Ingénieur·e ; 2-5 ans)

L’esprit critique, lui, va au-delà des simples connaissances. Il correspond à une mise en application intelligente de ses savoirs pour répondre à des questions qui ne seraient pas explicitement posées, d’un recul sur sa posture et son rôle dans la société, ou encore de la capacité de remettre en cause certains récits dominants, du fait de ses connaissances et compétences. Ainsi, si l’esprit critique est presque autant cité que l’expertise technique, certain·es indiquent qu’il est une des qualités idéales de l’ingénieur·e, et donc que certain·es en manquent cruellement.

“Plutôt que simplement répondre à “comment” résoudre un problème, il faudra aussi se poser la question du “pourquoi”, de “pour qui”, du contexte socio-économique où le problème est exposé… Il y a des problèmes qui parfois ne devraient pas être résolus. Et cela relève de choix politiques.” (rep. 66 – Ingénieur·e ; < 2 ans)

Ce que nous avons choisi de nommer leadership regroupe différents attributs qui ont le point commun de placer l’ingénieur·e comme un élément moteur, unique, et qui fait la différence. Si cet attribut se caractérise également par des actes (voir le paragraphe “diriger”), certaines visions dépeignent l’ingénieur·e comme un·e individu intrinsèquement charismatique, et à même de diriger (des personnes, des projets, ….). Certain·es voient, dans cette optique, l’ingénieur·e comme une forme d’élite de la société, et donc à même de la guider.

“Un ingénieur est une personne capable de mener un projet/une réalisation à son terme, en sachant mobiliser les forces vives et les outils à disposition. Ses capacités d’initiative et de relations humaines me semblent primordiales” (rep. 434 – Ingénieur·e, 2-5 ans).

Enfin, quelques réponses appuient l’importance de la dimension éthique du métier d’ingénieur·e, le plus souvent jugée comme nécessaire car manquante dans son rôle actuel. L’éthique est ainsi vue comme une qualité personnelle dont devraient faire preuve les ingénieur·es pour que leur rôle social soit pleinement accompli.

“Selon moi ces derniers ont pour mission de réfléchir à des solutions éthiques et devraient être la “voix” de ceux qui n’ont pas les capacités ou moyens de mettre en oeuvre une solution pour leur problèmes” (rep. 531, non ingénieur·e, ayant fait un cursus ingénieur).

2. Actions

Les actions entreprises par les ingénieur·es sont nombreuses et relativement variées. Nous avons néanmoins remarqué que celle-ci pouvaient s’inscrire dans certains grands champs d’action que nous avons découpé de la sorte : (1) résoudre des problèmes techniques, (2) travailler pour l’entreprise, (3) être un·e médiateur·ice scientifique, (4) diriger et (5) rassembler.

Figure 5 : Nombre de réponses faisant références à des actions, en réponse à la question “Selon vous et en quelques mots, quel est le rôle de l’ingénieur dans la société ?”

Comme le suggère le nuage de mots – résoudre, trouver, innover, problème, solution – une des missions les plus largement citées est celle qui consiste globalement à résoudre des problèmes techniques. Cette mission s’accompagne de tout un champ lexical, qui inclut la phase de définition (décrire, comprendre, analyser), celle de la conception (imaginer, concevoir, innover, répondre à un cahier des charges…), celle de réalisation (développer, mettre en oeuvre, fabriquer, …), et celle du maintien et de l’amélioration des technologies (garantit la sécurité, traiter les défaillances, optimiser, améliorer, …). Ces exemples illustrent la diversité des missions pouvant être confiées à un·e ingénieur·e, toutes ayant néanmoins en commun le fait de nécessiter une expertise technique pour être accomplies.

“Trouver des solutions aux problèmes techniques, savoir les communiquer, les décliner, et mettre en œuvre les moyens pour les implémenter”

(rep. 20 – Ex-Ingénieur·e, 2-5 ans)

Certain·es soulignent que ces actions sont principalement effectuées en entreprise, et donc que le rôle social de l’ingénieur·e est vu à travers le prisme de cette entreprise. Le rôle de l’ingénieur·e est parfois vu comme spécifique à cette sphère, et sa responsabilité est liée à celle de son entreprise. Les missions de l’ingénieur·e vues au travers du prisme de l’entreprise permettent d’ailleurs d’expliquer certaines nuances observées dans les différents plans d’action, comme nous le verrons par la suite, et détaillons dans le tableau 1.

L’ingénieur a un rôle managérial et technique dans les entreprises.

(rep. 111 – Ingénieur·e, 2-5 ans)

Au-delà de ces deux types d’action, exprimées de manière plutôt pragmatique, l’ingénieur·e est vu par certain·es comme un·e médiateur·ice scientifique. Ce rôle peut prendre différents aspects. D’une part, il peut s’agir de faire la liaison entre les sciences “dures” et les sciences “appliquées”, le pont entre “recherche” et “technologie”, qui est une action accomplie de manière privilégiée dans l’entreprise. En deuxième lieu, il a la possibilité, si ce n’est le devoir, de transmettre ses connaissances au reste de la société. Cette vulgarisation peut alors, soit être vue comme une démarche de démocratisation du savoir, de contribution à l’information publique, soit avec un rôle plus politique, centré sur le rapport entre science et société. L’ingénieur·e peut effectivement se positionner comme une partie prenante au sein du débat démocratique, en tant qu’expert·e scientifique, et donner à la société les moyens de comprendre et d’intervenir de manière pertinente au sein des controverses socio-techniques. Ces trois rôles, s’ils semblent assez différents, décrivent la responsabilité inhérente au fait de détenir une certaine connaissance, acquise notamment grâce aux financements publics[3] .

“Pour moi à l’origine iel sert à résoudre des problèmes de société du fait de ses compétences techniques et de sa capacité à communiquer avec des gens d’une spécialité autre que la sienne. Cette compétence le met au carrefour entre les simples exécutant.es, non polyvalent.es, et les dirigeant.es qui bien souvent n’y connaissent rien en technique.”

(rep. 273 – ingénieur·e, < 2 ans)

Par ailleurs, un rôle qui semble important pour l’ingénieur·e est celui de diriger, qui est l’action qui découle logiquement de sa qualité attendue de leadership  décrite précédemment. Il peut s’agir de diriger un projet, ou des personnes. Diriger un projet, qu’il soit personnel ou imposé; par exemple par le cadre de l’entreprise, signifie être le principal moteur de ce projet. Pour l’ingénieur·e, c’est faire preuve d’initiative et d’un esprit d’innovation. La direction de personnes se traduit elle plus par la conception classique du cadre en entreprise de manager, c’est à dire d’une fonction d’encadrement.

Enfin, un dernier rôle attribué à l’ingénieur·e est celui de rassembler. On trouve par exemple une posture qui, parfois à contrepied du rôle de diriger par un lien hiérarchique ou une légitimité supérieure, vise à fédérer des volontés autour d’un projet. L’ingénieur·e est décrit·e comme un élément qui est capable de comprendre plusieurs mondes et logiques différentes, et ainsi faire le lien entre des idées et leur réalisation. Dans le cadre de l’entreprise, il occupe ainsi une place intermédiaire, à la fois au sein de la hiérarchie et entre personnel technique et non technique. Cette centralité lui confère un rôle de plaque tournante.

Il doit s’adapter tant aux ouvriers qu’aux patrons, à tout type de profil. Il est polyvalent, pluridisciplinaire, peut comprendre n’importe quel domaine en peu de temps. Il est conscient de l’environnement qui l’entoure, des dangers, risques et avantages de chaque situation.

(rep 592 – ingénieur·e ; < 2 ans)
EntrepriseSociété
Médiateur·iceIntermédiaire recherche fondamentale / science appliquéeVulgarisateur·ice, Traducteur·ice
DirigerManagerMoteur, innovateur·ice
RassemblerPlaque tournanteFédérateur·ice
Tableau 1 : Classification des rôles de l’ingénieur·e par rapport à l’entreprise. Le rôle principal qui est “résoudre des problèmes techniques” n’a pas de description différente dans ou hors de l’entreprise.

3. Conséquences

Les conséquences des actions des ingénieur·es semblent assez importantes, ce qui est la traduction de leur responsabilité (voir ci-dessus), et dont ils·elles peuvent être ou non conscient·es. Nous avons identifié deux principaux champ de répercussion de leurs actions : celui de contribuer à des enjeux sociétaux (au sens large) et celui de participer à un système global (pour le meilleur ou pour le pire).

En termes de répercussions sociétales, il semble important de distinguer différents aspects. De nombreuses personnes s’accordent pour dire que l’ingénieur·e a pour rôle d’améliorer la société, mais les visions de ces améliorations peuvent être assez différentes. Certaines réponses suggèrent que les solutions techniques apportées par les ingénieur·es sont nécessairement utiles, ou améliorent l’existant. D’autres réponses sont plus critiques sur le rôle de ces techniques, et suggèrent au contraire qu’au delà de leur développement, l’ingénieur·e a pour rôle de favoriser celles qui sont réellement utiles à la société. De plus, comme le souligne la citation suivante, certaines de ces améliorations peuvent être vues pour contribuer au monde actuel, ou contribuer à la construction d’un futur prospère. Le tableau 2 récapitule ces positionnements, avec des exemples de vision associées.

“Je pense que le problème du manque de sens dans ce métier aujourd’hui vient du fait de multiples définitions contradictoires de “servir la société”, et d’un manque de vision globale / collective de ce qui lui est “utile” : Par exemple, travailler pour développer les énergies fossiles carbonées est utile pour la société “sur l’instant”, mais est complètement insensé sur le long terme…” (rep 303, en étude d’ingénierie)

La technologie est toujours une amélioration pour la sociétéLa technologie n’est pas une réponse à tout.
Dimension présenteLa ModernitéLe Bien Commun
Exemple“Servir l’intérêt de la société dans son ensemble, à travers l’élaboration de produits ou services intégrant les connaissances scientifiques de cette même société.”
(rep. 101 – Ingénieur·e 6-10 ans)
Dans une société, un ingénieur devrait être au service de la population. Ses compétences sont mises au service du bien commun et permettent d’améliorer le bonheur des gens.
(rep. 614, non ingénieur·e, ex-étudiant·e ingénieur·e)
Dimension futureLe ProgrèsLe Futur Meilleur
ExempleCapitaliser les savoirs technologiques d’ une société (un Etat, une entreprise) et les restituer pour former la génération suivante et lui permettre d’ effectuer le même travail avec plus d’ efficacité ou d’utilité.
(rep. 476, ingénieur·e, < 2 ans)
Dans une société idéale, l’ingénieur défendrait la résilience de notre société, son autonomie, la diminution des inégalités, etc.
(rep. 272 – ingénieur·e 2-5 ans)
Tableau 2 : Comment l’ingénieur·e contribue-t-il·elle à améliorer la société ? Deux visions, et deux échelles temporelles

De manière plus générale, l’ingénieur·e est vu comme un rouage qui contribue à la stabilité d’un système dans son ensemble. Cela peut se traduire par le fait que l’ingénieur·e n’a finalement pas de rôle particulièrement supérieur, ou alors qu’il contribue à maintenir le système. Ce rôle est généralement plutôt cité avec une connotation négative dans le sens où il contribue à maintenir les trajectoires actuelles de la société, non durables. 

Quels récits de l’ingénieur·e ?

En se basant sur ces différentes composantes, nous proposons de les regrouper au sein de récits qui nous semblent saillants parmi les différentes réponses. Bien entendu, les représentations réelles ne correspondront jamais exactement à l’un de ces récits.

L’expert technique au service de l’entreprise.

Son rôle social se situe principalement dans celui de son entreprise (qui peut donc être bon ou mauvais en fonction de l’entreprise). Il permet le confort grâce aux technologies, mais n’a, en soi, pas un rôle supérieur aux autres. Il est le maillon d’une chaîne, le rouage d’un système, et porteur de l’expertise neutre. Pragmatique, opérationnel, il·elle excelle à résoudre les problèmes de tout ordre, quand bien même ceux-ci dépasseraient le champ de la technique pure. Les critiques de ce rôle lui reprochent que sa neutralité n’est qu’apparente, car le système qu’il·elle contribue à faire fonctionner est mauvais.

“Son rôle dans la société dépend donc de l’impact de l’entreprise/institut pour lequel il·elle travaille, allant d’aider un actionnaire à nager avec les dauphins jusqu’à améliorer la production locale et améliorer la société… mais malheureusement, c’est plus souvent aider les actionnaires…”

(rep. 80, ingénieur·e; < 2 ans)

L’innovateur·ice au service du progrès

Cet·te ingénieur·e est brillant·e, digne héritier·e de génies tel·les que Léonard de Vinci ou Marie Curie. Personnalité presque héroïque qui se saisit de la science pour offrir le progrès à l’humanité. Tel Prométhée apportant le feu à la civilisation humaine, pour le meilleur comme le pire, leurs innovations sont la source de changements majeurs au sein de la société, allant de pair avec un certain nombre de risques. Il·elle mobilise son leadership pour aller de l’avant, rassembler, diriger, être moteurs et force de proposition dans leur projet. Cette force peut être mise au service de l’entreprise, mais peut également s’exercer de manière autonome, hors de celle-ci, pour alimenter des futurs qui semblent aujourd’hui plus désirables.

“Je vois l’ingénieur comme un inventeur qui fait évoluer la société. Avec son sens critique, c’est à lui d’initier la réflexion et à partir de ses connaissances, engager les changements de trajectoires nécessaires.”

(rep. 590 – Ex-étudiant·e ingénieur·e, non ingénieur·e )

Le médiateur scientifique au service du bien commun

De par la combinaison de la connaissance scientifique et de son esprit critique, l’ingénieur·e est idéalement placé·e pour transmettre ce savoir au reste de la société. Par la vulgarisation, la sensibilisation, il·elle peut permettre aux citoyens “ordinaires” de se saisir des enjeux techniques, et ainsi mieux alimenter le débat démocratique. Il·elle est critique sur la technologie et ses usages actuels, et cherche à trouver les meilleurs compromis pour continuer d’améliorer la société. Cet·te ingénieur·e est indépendant·e, et conscient·e de sa responsabilité vis-à-vis du reste de la société. Cette indépendance met en œuvre un certain leadership, et se focalise sur la position pivot de l’ingénieur·e.

“Dans ma vision idéale, il est un médiateur sociotechnique dans lequel il organise un débat démocratique entre humains et non-humains pour réaliser des choix techniques ou il est porte-parole de la technique et traduit les choix de collectifs sans imposer son expertise sous une prétendue neutralité, qui ne cache généralement qu’une idéologie de l’efficacité” (rep. 92 – Ingénieur·e ; 2-5 ans)

Expert techniqueInnovateurMédiateur
QualitésExpertiseExpertise
Leadership
Ethique
Expertise
Esprit Critique
Leadership
Ethique
ActionRésoudre des problèmes
Travailler pour l’entreprise
Résoudre des problèmes
Diriger
Rassembler
Résoudre des problèmes
Médiateur
Rassembler
ConséquencesRouage du systèmeAméliorer la sociétéRouage du système
Améliorer la société
Figure typeIngénieur industrielIngénieur start’upIngénieur vulgarisateur
Tableau 3 : trois profils idéalisés des ingénieur·es ressortant des réponses

Conclusion

Au travers de vos réponses, nous avons pu commencer à tracer les contours de cet être protéiforme qu’est l’ingénieur·e. Les points communs entre les récits que nous proposons sont, comme nous pouvons le retrouver dans le nuage de mots, la possession d’une expertise technique mise à contribution pour résoudre des problèmes – qui ne sont, eux, pas systématiquement techniques. La responsabilité sociale que confère ce rôle est importante, et l’ingénieur·e est souvent vu·e comme une personne motrice et indépendante, soit dans ses capacités d’innovations, soit de par son esprit critique qui lui confère un rôle idéal pour être médiateur·ice scientifique.

Notes

(1) https://ingenieurs-engages.org/2020/01/lecole-dingenieur-un-choix-detudes-par-defaut/ [retour au texte]
(2) Ces éléments théoriques peuvent ont par exemple bien été synthétisés par Antoine Bouzin dans sa conférence : https://youtu.be/dtgzPaVU4ec [retour au texte]
(3) CGEFI, 2015, REVUE DES DEPENSES DES ECOLES PUBLIQUES D’INGENIEURS, disponible sur : https://www.letudiant.fr/static/uploads/mediatheque/EDU_EDU/9/1/559391-bercy-rapport-provisoire-final-original.pdf [retour au texte]