Je suis un ingénieur spécialisé dans le BTP et je viens de finir mon école (ESTP) en août dernier.
Au cours de mon cursus, j’ai eu la chance de partir en année de césure pour travailler sur un très gros chantier de tunnel à Hong-Kong durant un an avec Bouygues TP. Au cours de cette année, j’ai rempli tous les objectifs que je m’étais fixés d’atteindre lorsque j’ai décidé de me lancer dans une formation d’ingénieur : travailler sur un énorme projet, traiter de sujets aussi complexes que techniques et être au contact des meilleurs spécialistes du domaine.
J’ai adoré cette expérience, car j’ai eu la chance de faire partie d’un projet où près de 1500 personnes mettaient leur intelligence et leur énergie pour relever des défis techniques énormes. Je vous assure que cet environnement, surtout à l’étranger, est ultra galvanisant. Plus on prend part à ce genre d’expériences plus on est excité à l’idée de surmonter des défis encore plus complexes, encore plus grands et encore plus fous.
Cependant, on peut être amené à se demander comment et dans quel but est orienté notre travail et notre dévotion. Nous qui sommes principalement animés par notre passion, nous n’avons pas fait le choix politique de créer l’ouvrage que nous confectionnons, nous ne sommes que des « exécutants ». Ce tunnel a été construit pour permettre de faire gagner 1 heure de trajet à des automobilistes pour rejoindre le continent dans le cadre d’un rapprochement de Macao, Hong-Kong et la Chine. Et là, une question se pose : est-ce vraiment nécessaire de construire un ouvrage (bien que magnifique) qui va consommer des millions de m3 de béton, générer des montagnes de déchets et favoriser le transport routier ?
On se retrouve donc à être confronté à deux sentiments contradictoires, d’un côté l’envie de travailler dans une équipe formidable qui a énormément de choses à nous apprendre et de l’autre la culpabilité de se dire que l’on ne travaille pas pour ce que l’on croit juste vis-à-vis de l’environnement.
Et c’est là que je me suis rendu compte que ces deux aspects ne se battaient pas avec les mêmes armes. D’un côté, les entreprises viennent nous chercher en proposant de bons salaires, des super postes dans des pays de rêve et de l’autre seul la motivation est là pour nous trouver un job.
C’est en réalisant ça que j’ai décidé de ne pas faire l’autruche dans un cocon auquel j’ai accès grâce à mon éducation et de prendre du temps pour trouver un emploi qui allie les avantages de l’un et qui est orienté vers ce que je crois juste vis-à-vis de l’environnement. En sortant d’école je me suis vite rendu compte que c’était plus compliqué qu’il n’y paraissait, car comme ça a toujours été les entreprises qui se sont présentées à moi et non l’inverse, je ne savais pas du tout par où chercher.
J’ai donc décidé dans un premier temps de me documenter sur les sujets sur lesquels je suis sensible et qu’en comprenant ces sujets, je trouverais des entreprises et des emplois qui m’intéresseraient. Plus je me documentais plus j’ai découvert la complexité de ce qu’est « l’écologie » où tout est entremêlé, que des milliers d’initiatives existent partout, mais que très peu de connexions les relient.
J’ai donc changé de stratégie, et depuis, je ne cherche plus réellement à trouver un emploi, mais plutôt à tenter de comprendre en profondeur 2-3 problématiques auxquelles je suis sensible (stockage et distribution d’énergie, traitement des déchets, etc.). J’ai pris un emploi d’ingénieur dans un bureau d’étude me permettant d’avoir un revenu, de rester dans mon domaine de compétence et d’avoir des horaires de bureau pour poursuivre mes recherches.
Au bout de quelques semaines, je me suis dit qu’il était certain que plusieurs personnes étaient dans mon cas et que ce serait intéressant de les identifier pour que nous orientions nos recherches tous ensemble. « On Peut Discuter Peut-Être ?», ce projet consiste à ouvrir des thématiques très ciblées sur du moyen terme (6 à 8 semaines) pour comprendre les enjeux, les problématiques, les acteurs, les solutions et les initiatives en cours. Par exemple, dans quelques mois, nous allons essayer de répondre à la question suivante : « Est-ce que nos forêts ont la capacité de remplacer le béton ? ». Pour y répondre, nous nous y prenons en deux phases, une première phase animée par des groupes de recherche et de réflexion et une seconde via une présentation des éléments dégagées au cours des semaines de travail. L’idée n’est pas de former et/ou de convaincre des gens, mais simplement de réfléchir collectivement sur la complexité des sujets écologiques.
Actuellement, le projet est en fin de développement et j’espère entamer le lancement prochainement.
Paul