Auteurs : Alexandre Mabire, Florent Husson
Du 16 au 23 août 2020, une quarantaine de personnes se sont réunies avec une envie commune de construire et d’expérimenter un monde soutenable et solidaire pour demain. Vivre ensemble, découverte et expérimentation autour des Low-Tech étaient au menu de cette 2ème édition de la SALT (Semaine des Alternatives et des Low-Tech) à la Laudonnière, un éco-lieu proche de Poitiers.
Comme pour la première édition, l’événement a été co-organisé par le groupe “Créer les alternatives” d’Ingénieur·es Engagé·es, ainsi que par l’association OseOns (Our Shared Energies – Our Network Solutions). Pour comprendre le contexte de création de cet événement, nous vous conseillons fortement l’article très complet rédigé par les créateur·ices de la SALT, intitulé Un autre récit du progrès : la perspective Low-Tech !
L’article ci-dessous s’inscrit dans la continuité de ce dernier. Il a pour objectif de présenter le bilan de cette édition 2020, en mettant en lumière les objectifs de notre (nouvelle) équipe organisatrice, et la cohérence recherchée avec ce que nous pensons être la “démarche Low-Tech”* dans l’organisation de l’événement. On parlera notamment des ateliers et réalisations techniques effectués, de l’organisation collective et des moments de partage intenses, des succès et échecs, des pistes d’améliorations, ainsi que des perspectives futures.
L’intention de l’équipe organisatrice
“Partager une semaine de vie, d’apprentissage et de découverte pratique de l’univers Low-Tech, dans un esprit festif et bienveillant d’ouverture et de cohésion sociale, par le développement de projets utiles au territoire“.
Voilà l’objectif commun autour duquel nous nous sommes rassemblé·es pour organiser cette SALT 2020. Permettre à toute personne motivée, quels que soient ses origines, son activité principale et son rapport à la technique, de se former et prendre part à la réalisation de dispositifs techniques, en accord avec la démarche Low-Tech.
La démarche Low-Tech*
Il n’existe pas aujourd’hui une seule définition ni un ensemble de critères permettant de dresser une frontière nette entre des pratiques qui seraient “Low-Tech” ou non.
Selon nous, la Low-Tech est davantage une démarche technique et sociale : en bref, elle vise à répondre prioritairement à des besoins essentiels (se chauffer, se nourrir, se loger, se déplacer…), avec un impact environnemental minime, pour tendre vers un mode de vie résilient et compatible avec les limites planétaires, en intégrant également un objectif d’équité et d’harmonie sociale.
Les technologies développées avec cette démarche se veulent aussi faiblement « technologisées » que possible au regard de l’objectif visé. Généralement, on les veut sobres, modulaires, réparables, économes en ressources et en énergie, accessibles, et adaptées aux contextes locaux. Cependant, dans la démarche que nous portons, les éléments réputés “high-tech” ne sont pas proscrits, mais limités aux seules applications qui permettent d’améliorer son efficacité ou sa sécurité, tout en respectant notre philosophie.
Elles ont pour objectif de pouvoir être comprises, appropriées, et modifiées par leurs utilisateur·ices afin de favoriser l’autonomie individuelle et collective. La démarche Low-Tech prône également le partage et la diffusion des connaissances au plus grand nombre pour maximiser l’accessibilité de la technique à tous et toutes.
Cette démarche n’est donc pas seulement technologique, mais bien systémique et vise à remettre en cause les modèles économiques, organisationnels, sociaux et culturels actuels. Loin de constituer un retour en arrière, elle est au contraire un moyen d’améliorer les conditions de vie humaines et de développer des dynamiques socio-économiques vertueuses, en prenant en compte à la fois les contraintes physiques de notre monde et la valeur de richesses naturelles négligées par nos outils économiques actuels. À cette fin, les connaissances techniques et scientifiques jusqu’aux plus récentes sont mobilisées, au côté des savoirs locaux et traditionnels.
Nota : la plupart des éléments de définition que nous avons utilisés pour décrire la démarche Low-Tech sont issus de cet article Qu’est-ce que la démarche Low-tech ? du site Low-Tech Nation, ainsi que des statuts de l’association OseOns. Pour information, La Fabrique Écologique propose un travail encore plus exhaustif et assez consensuel dans l’univers Low-Tech, que vous pouvez consulter en téléchargeant le document accessible ici.
* Pour aller plus loin sur ce sujet, nous vous proposons :
- Cette liste de 10 livres sur le thème Low-Tech,
- L’article de Gauthier Roussilhe intitulé Une erreur de “tech”, apportant une critique non pas centrée sur le terme “Low”, et son opposition avec le “High”, mais plutôt sur l’origine et la pertinence du terme “Tech”,
- Ainsi que cette vidéo réalisée par Mewen, co-organisateur et vidéaste de l’événement :
Comment s’aligne-t-on avec ?
Démocratiser la technique, la rendre accessible à tous et toutes !
Un enjeu majeur de la démarche LT est donc de rendre la fabrication de technologies la plus accessible possible, tant sur le plan technique que financier. Il était important que la SALT soit organisée dans cette dynamique. En effet, les solutions doivent être pensées par et pour toutes les composantes de la société afin d’être réellement pertinentes.
Des participant·es de tous horizons…
Le partenariat avec la structure d’accompagnement Les Réglisses a été renouvelé, permettant ainsi à trois jeunes issus de milieux sociaux défavorisés d’être invités sans frais à la semaine. Malgré cela, la grande majorité des participant·es étaient en cours de, ou fraîchement sorti·es de formation en ingénierie. Convaincu·es de la richesse des échanges interculturels et interprofessionnels, nous souhaitons vraiment toucher un public de plus en plus large lors des futures éditions, par exemple en élargissant la diffusion de l’événement à des milieux autres que le seul milieu ingénieur.
Une prise en compte des différentes capacités budgétaires
Dans une recherche d’équité, un système de tarification “semi-libre” a été mis en place, avec une description indicative des dépenses engendrées par les tarifs proposés. Chaque intéressé·e pouvait – en conscience – choisir son montant, avec un minimum fixé et une indication du tarif plus élevé considéré comme “solidaire”. Le tarif minimum était négociable au cas par cas, pour les personnes ayant un budget serré.
Seul pré-requis : l’envie d’apprendre et de construire ensemble
Aucune compétence particulière n’était requise pour participer ! La semaine était rythmée de sorte à ce que les participant·es puissent d’abord s’initier au travail du bois et du métal, avant de découvrir différents domaines d’application des Low-Tech puis de se spécialiser avec un groupe dans la réalisation d’une technologie spécifique sur plusieurs jours.
Apprendre par l’expérimentation :
En fabriquant des technologies utiles
Un des objectifs de la SALT était de parvenir à produire des solutions répondant à un réel besoin, identifié en amont de la fabrication. En effet, c’était un critère auquel chaque atelier devait répondre :
- Une serre pliante, permettant la bonne rotation des cultures et des semis en pleine terre, et un four troglodyte en rocket-stove, afin de cuisiner et de faire chauffer de l’eau avec très peu de bois, ont été fabriqués pour le propriétaire de la Laudonnière.
- Thomas, le maraîcher de Graine de Ferme nous fournissant en légumes pour la semaine, avait besoin d’une grelinette sur mesure pour gagner un temps considérable dans son travail.
- Un four solaire SunCalor, permettant de cuisiner à des températures de l’ordre de 180 à 300°C selon la saison, à des fins d’expérimentation au Campus de la Transition. L’atelier réalisé pendant la semaine était surtout centré sur la découpe d’hexagones de miroirs (de récupération) nécessaires à la fabrication du four.
À la fin de la semaine, les 160 hexagones nécessaires ont été découpés, mais seulement 6 ont été posés sur la parabole prévue à cet effet du fait du temps nécessaire au réglage minutieux des miroirs.
En outre, des travaux ont également été menés pour préparer le châssis métallique supportant la parabole, mais celui-ci n’a pas non plus été finalisé pendant la semaine.
- Une éolienne Piggott réalisée presque intégralement à la main, pour l’association Valence Atelier Libre, dans deux ateliers distincts :
○ Un atelier de taille manuelle des pales :
○ Un atelier de fabrication de la génératrice :
Pour certains ateliers, requérant l’usage d’outils spécifiques (comme une scie tronçonneuse à métaux), nous avions accès à l’Atelier du Soleil et du Vent, association à Lusignan disposant de locaux de 170 m² équipés en machines bois et métal.
Par la discussion
La découverte était également permise par des ateliers théoriques et des moments de débats et d’échanges. L’entreprise Éclowtech est par exemple venue animer un atelier interactif sur les enjeux de la récupération des matériaux et de leur revalorisation dans le cadre d’un travail artisanal. Une demi-journée a également été consacrée à un temps d’échange avec l’association Paléo-Énergétique, suivi d’un moment de réflexion sur notre vision d’une société idéale.
En utilisant les Low-Tech au quotidien
La SALT c’est aussi vivre Low-Tech ! Quoi de plus efficace pour tester et améliorer les dispositifs que de les utiliser pendant la semaine ? Et puis quelle joie de voir ses carottes cuire en temps record sur le four en rocket stove tout juste achevé… Pour les prochains événements, il y a ici un potentiel d’amélioration, en intégrant davantage l’utilisation de Low-Tech au quotidien pour renforcer l’immersion dans cet univers.
Avec une organisation horizontale
Côté organisationnel, la semaine s’est déroulée en autogestion, comptant sur le collectif ! Les participant·es étaient acteur·ices de leur semaine, que ce soit pour participer à la vie du camp, prendre des décisions pour le groupe, ou enrichir le planning par la proposition de petits ateliers improvisés (couture, botanique, crochetage,…). Pour reprendre les très justes mots de nos prédécesseur·ses de l’orga SALT 2019, “démocratiser la technique nécessite de réapprendre à partager son pouvoir de décision, de mettre l’intérêt du groupe avant son intérêt personnel. Une approche participative de la technique ne peut se développer sans une vision partagée de la gouvernance”.
Revivre la SALT en vidéo !
Si vous souhaitez revivre la semaine en images, nous vous proposons son aftermovie et le témoignage des participant·es !
Force est de constater l’engouement croissant autour des Low-Tech !
De plus en plus d’acteur·ices apparaissent et témoignent d’une volonté de se rassembler et de partager savoir-faire et expériences : la récente première édition de la RenALT (Rencontre des Acteurs de la Low-Tech), l’essor des plateformes de partage de contenu et des formations, comme Low-Tech Lab, WikiFab, Éclowtech, Hameaux Légers, l’Atelier du Zephyr, Agir Low-Tech, Les Entrepreneurs Low-Tech, Low-Tech Nation, etc…
La SALT est également une belle preuve de cet engouement, puisque pour seulement une trentaine de places disponibles, environ 200 intéressé·es se sont manifesté·es dès la première vague de communication !
Un contexte très favorable pour les futures éditions
Des projets de futures SALT sont d’ores et déjà sur la table. Après cette dernière édition, des participant·es enthousiastes ont manifesté leur envie de réitérer l’expérience et surtout, de permettre à d’autres de la vivre. Ainsi, deux projets SALT ont émergé : une première au Campus de la Transition prévue pour le printemps prochain, et une deuxième dont tous les contours restent encore à définir pour l’été.
Cette dynamique d’essaimage des SALT est réjouissante et à encourager ! Afin d’être en cohérence avec la philosophie Low-Tech, nous souhaitons que toutes les personnes passionnées de Low Tech puissent s’emparer du format SALT et le décliner à une échelle locale et adaptée. Poursuivant l’idéal de convivialité et de décentralisation, la multiplication d’événements similaires par des acteur·ices et des sensibilités diversifiés permettra la diffusion rapide du récit de la Low-Tech et répondra à une demande sans cesse croissante d’y participer. En ce sens, des travaux sont en cours pour permettre la structuration du mouvement et faciliter l’organisation en donnant aux équipes des outils de travail fonctionnels et efficaces.
Organiser puis participer à un événement comme celui-ci est une aventure unique qui n’attend désormais que vous ! Que ce soit pour rejoindre des équipes déjà formées ou en créer de nouvelles, tout est possible. Les rôles à jouer sont nombreux et chaque énergie a sa place.
Si vous souhaitez rejoindre le mouvement, contactez-nous à salt@ingenieurs-engages.org, ou bien rendez-vous directement sur le canal #prj-SALT sur le Discord d’Ingénieur·es Engagé·es :
N’hésitez pas à nous écrire !